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Deux expositions autour d'Albert Camus à la bibliothèque de l'Alcazar

La Ville de Marseille rend hommage à l’écrivain philosophe Albert Camus à l’occasion du soixante-deuxième anniversaire de sa disparition. Prix Nobel de littérature en 1957, Camus a laissé une empreinte majeure dans la littérature mais aussi sur notre territoire.

La bibliothèque de l’Alcazar souhaite aujourd’hui honorer l’une des grandes figures du 20e siècle en accueillant deux expositions "Albert Camus et la pensée de midi" et "Camus, amitiés littéraires du sud". 
 

Écrivain, résistant, journaliste, dramaturge… Albert Camus a marqué le XXe siècle de son empreinte

Né en 1913 à l’aube de la Première Guerre mondiale, le jeune Albert perd son père durant le conflit. Ce drame le marque à vie, lui insufflant un dégoût profond pour l’absurdité de la guerre.
Il grandit au sein d’un milieu ouvrier et pauvre où il est initié à la littérature par l’un de ses oncles.
Après l’obtention de son baccalauréat en 1932 à Alger, il entame des études de philosophie. À 17 ans, on lui diagnostique une tuberculose contre laquelle il se battra toute sa vie.

Attiré par l’aventure du journalisme, il travaille à "Alger Républicain" et au "Soir Républicain" où ses articles le font remarquer. Notamment la série de reportages « Misère de la Kabylie » publiés en 1939, modèle de journalisme d’investigation, dans laquelle il dénonce les conditions de vie inhumaines de la population kabyle.

Son pacifisme, ses dénonciations du fascisme dérangent. Il doit quitter l’Algérie pour Paris. Grâce à son ami et mentor Pascal Pia, il devient secrétaire de rédaction à "Paris-Soir". Suivent des rencontres décisives qui l’amènent à devenir lecteur pour les éditions Gallimard.

En 1942, il publie L’Étranger, « le » roman qui sera classé en tête des cent meilleurs livres du XXe siècle en 1999. Peu après, à l’automne 1943, il s’engage auprès du quotidien "Combat", journal unique dans l’histoire de la presse en France, organe de la Résistance.
Dans la clandestinité, au péril de sa vie, il devient rédacteur en chef et éditorialiste de 1944 à 1947, incarnant la voix de la Résistance sur les réformes démocratiques à entreprendre.

Dénonçant sans relâche la barbarie sous toutes ses formes, le 8 août 1945 lorsque la première bombe atomique explose à Hiroshima, Camus est l’unique journaliste occidental à s’indigner de cette atrocité nucléaire…

Camus dénonce, fustige la violence, les nationalismes, tous les totalitarismes, ainsi que le dogmatisme. Tous ses écrits journalistiques sont imprégnés d’une profonde réflexion civique, Camus défend l’importance du dialogue sans lequel la démocratie ne peut exister de façon saine.

Après la guerre, il écrit pour le théâtre et observe les premières secousses de la décolonisation. Pour l’Algérie, sa position est claire, il réfute l’usage de la violence, dans quelque camp que ce soit.
Méfiant à l'égard des idéologies, il répugne à toute idée de révolution définitive et souligne les risques de déviation.
Visionnaire Camus ? On peut le croire. Dans sa célèbre polémique avec Jean-Paul Sartre au sujet de l’existence des goulags en Union soviétique, Camus est qualifié de « philosophe pour les classes terminales » par son ami alors qu’il prédit avec justesse les maux que le stalinisme engendre.

En 1955, il rejoint l'hebdomadaire "L'Express". L’année suivante, à Alger, son discours "L'Appel pour une Trêve Civile" est mal interprété. Menacé par les défenseurs du colonialisme français, Camus doit quitter Alger sous protection. Plaidoyer pacifique pour une solution équitable au conflit, le discours est violemment rejeté à la fois par ses compatriotes pieds-noirs puis, après l'Indépendance en 1962, par les Algériens qui lui reprochent de ne pas avoir milité avec eux.

Le 16 octobre 1957, il reçoit le prix Nobel de littérature. Il part vivre à Lourmarin où la lumière et les paysages lui rappellent sa terre natale. La récompense qui accompagne le Nobel lui permet de financer l’ambitieuse adaptation théâtrale des "Possédés" de Fiodor Dostoïevski, dont il assure également la mise en scène. À l’affiche dès janvier 1959 du théâtre Antoine à Paris, la pièce est un succès critique et un prouesse artistique et technique : 33 acteurs, quatre heures de spectacle, sept décors, 24 tableaux…

Un an après, le 2 janvier 1960, âgé de 47 ans, il décède dans un accident de voiture qui coûte également la vie au conducteur, Michel Gallimard, neveu de l’éditeur Gaston Gallimard. Il est inhumé à Lourmarin.

Depuis le 15 novembre 2000, les archives de l'auteur sont conservées à la bibliothèque Méjanes (Aix-en-Provence), dont le Centre de documentation Albert Camus assure la gestion et la valorisation.

Albert Camus dira de son personnage Meursault dans l’Étranger : "On aura cependant une idée plus exacte du personnage, plus conforme en tout cas aux intentions de son auteur, si l'on se demande en quoi Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple : il refuse de mentir." Une phrase qui semble le décrire.

L’unité, la force, la cohérence de sa pensée, sa sensibilité, son empathie à l’égard des opprimés, sa dénonciation de la souffrance, sa volonté de comprendre et, en définitive, son désir de liberté ne peuvent que nous émouvoir et nous inviter à réfléchir, à l’heure où les nationalismes exacerbés et les raccourcis de la pensée sont à l’oeuvre.

 

Exposition " Albert Camus et la pensée de midi" à l'Alcazar

Du 17 septembre au 31 décembre 2022
Bibliothèque de l’Alcazar / salle d'exposition
Entrée gratuite du mardi au samedi de 13h à 18h

Il arrive parfois des fulgurances, dans la vie d’un écrivain, qui ne durent pas seulement le temps d’un éclair. Elles se prolongent, ces images vagabondes, et expriment, en une formule, ce que bien des mots ne sauraient dire. La pensée de midi…

Camus et la pensée de midi

Il arrive parfois des fulgurances, dans la vie d’un écrivain, qui ne durent pas seulement le temps d’un éclair. Elles se prolongent, ces images vagabondes, et expriment, en une formule, ce que bien des mots ne sauraient dire.

La pensée de midi…

Des sources grecques, et notamment le sens de la mesure, façonnées à partir d’Alger, là où Jean Grenier, son professeur, Gabriel Audisio, son inspirateur, et Edmond Charlot, son éditeur, ont permis au jeune Camus de trouver sa voix singulière. Là où se conjugue L’envers et l’endroit, titre d’un de ses premiers livres.

"La Méditerranée a son tragique solaire qui n’est pas celui des brumes". Tout est dit dans cette première phrase de L’Exil d’Hélène, texte de 1948 pour la revue Les Cahiers du Sud. C’est là où Camus trouve pour la première fois cette image –  la pensée de midi –  qui énonce son goût des rivages, comme les murmures du ressac, les aléas et les surprises de l’histoire, comme les secousses du monde qui vient.

Lecteur attentif de Nietzsche, le Gai Savoir ne le quitte pas, Camus forge avec la pensée de midi une notion ouverte. Source vive, qui l’invite à tracer des limites, et lui inspire la volonté de résister, face au nazisme, au stalinisme comme au terrorisme. Il s’agit de trouver en soi de quoi fomenter l’Espoir, titre de sa collection chez Gallimard où il publie celui qui deviendra son ami, René Char, "cette haute et belle figure de la pensée de midi."  Il est le premier lecteur de L’Homme révolté, livre qui va soulever bien des tempêtes, fissure le sens de l’histoire, alors défini par les communistes, et où Camus affirme la souveraineté de la pensée de midi, malgré Sartre et ses complices.

Secoué par la controverse, Camus vacille. Il est tenté par la Chute, l’envers humide et glauque, à Amsterdam, de son endroit, en Provence, là où il choisit d’élire domicile. Les premières pages du Premier Homme, sont écrites à Lourmarin, sa dernière demeure.

La postérité du soleil, livre posthume écrit avec son ami René Char, avec des photographies originales d’Henriette Grindat, nous dit tout ce que nous lègue Camus. Une pensée particulièrement nécessaire à notre temps, dont le parcours de cette exposition tente de nous faire partager l’éclat.

Thierry Fabre / Commissaire de l'exposition

L'exposition s'articule autour de sept escales permettant de découvrir et comprendre la vie et la pensée de Camus. Elles seront illustrées par des lettres, photos, éditions originales, coupures de presse, affiches, reproduits ou exposés.

  • Préambule / Albert Camus Prix Nobel de littérature 1957
  • Sources / Jean Grenier, Gabriel Audisio, Edmond Charlot et Nietzsche
  • Camus et le monde grec
  • Camus et l’Algérie
  • Résister au nazisme, au stalinisme, au terrorisme et à la torture : la pensée de midi en actes
  • Au-delà de la Chute
  • Habiter le Sud ou La postérité du soleil

L'exposition  est proposée en partenariat avec la région Sud à travers son opérateur culturel Arsud et s’est tenue également dans la bibliothèque Louis Nucéra à Nice et dans la chapelle de médiathèque Chalucet à Toulon.

 

Exposition "Camus, amitiés littéraires du sud" à l'Alcazar

Proposée par les Fonds rares et précieux de l’Alcazar
Du 17 septembre au 21 novembre 2022

Albert Camus, témoin et acteur de la scène littéraire marseillaise du XXe siècle, s’est lié à bon nombre des écrivains qui la composent alors. Parmi eux Jean Ballard, Gabriel Audisio, Jean Sénac et Jules Roy, dont les archives sont déposées au sein des Fonds Littéraires Méditerranéens de l’Alcazar. Correspondances manuscrites, éditions originales et photographies extraites de ces archives vous sont présentées, donnant un nouvel éclairage à l’œuvre et à la vie d’Albert Camus, et laissant entrevoir la pluralité d’une communauté littéraire.

L’exposition inclut une de nos dernières acquisitions exceptionnelles : une édition originale de "La Postérité du soleil", hommage au Vaucluse co-écrit par Albert Camus et René Char, et photographié par Henriette Grindat.

Cette exposition donne à voir et à comprendre les multiples facettes de l'œuvre, de la pensée et de l'engagement d'Albert Camus. Une riche programmation culturelle de conférences, projections, visites et rencontres est proposée tout l’automne autour de l’exposition.
 

  • Visite commentée de l'exposition par le commissaire Alexandre Alajbegovic à l'occasion des Journées européennes du Patrimoine
    Samedi 17 septembre à 15h

     
  • "Camus et la Méditerranée"
    Dialogue entre Thierry Fabre et Alexandre Alajbegovic pour explorer et tenter de comprendre les relations profondes et subtiles entre Camus et la Méditerranée. 
    Jeudi 29 septembre à 18h
     
  • "Les Vies d'Albert Camus" 
    Projection du documentaire de Georges-Marc Bénamou (2019) en présence du réalisateur (sous réserve). France, 2019, 110 min
    Ce "Camus" n’est pas un film sur un intellectuel, ni une hagiographie. Camus y est raconté comme un aventurier du XXe siècle, avec ses succès et ses dépressions ; sa gloire et ses origines misérables ; sa liberté qui vient toujours contrarier les ordres établis.
    Mercredi 19 octobre à 18h
  • "Camus, Audisio, Sénac et les Cahiers du Sud"  
    Rencontre avec Alain Paire, auteur du livre "Chroniques des Cahiers du Sud : 1914-1966", dialogue avec Thierry Fabre.
    Jeudi 3 novembre à 18h

  • Une livre de musique : conférence musicale  "Camus et la musique"   
    Proposée par le département Musique de l'Alcazar 
    avec Lionel Pons, musicologue 
    Samedi 19 novembre à 14

 

HORS LES MURS

  • "Albert Camus à La Criée / Premier homme"
    Lecture musicale par Robin Renucci, directeur du Théâtre de La Criée, Théâtre National de Marseille
    Dans le cadre des Rencontres d'Averroès à La Criée (29e édition du 17 au 20 novembre 2022)
    Vendredi 18 novembre à 19h

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