Récifs artificiels : à la reconquête de la biodiversité marine
Il y environ 150 ans le fond de la baie du Prado était recouvert de posidonie, plante marine méditerranéenne dont le rôle est majeur dans l'écosystème marin : la photosynthèse permet d'oxygéner l'eau et son système racinaire dense et profond, participe à la stabilité des fonds marins. Aussi, elle tient lieu de « nurserie » pour 25% des espèces animales méditerranéennes (sèches, rascasses, grandes nacres...).
Avec les diverses activités humaines, aménagements des plages du Prado (remblais du métro), construction des bassins du nouveau Port de Marseille dans les années 1845, déversement des eaux usées et des activités industrielles, bassin versant (l’Huveaune), exploitation des ressources non raisonnée au XXe siècle, etc., la baie du Prado est devenue principalement au-delà de 25 mètres de profondeur, une grande étendue de fonds meubles (plats et sablonneux) fortement dégradée où des fonds de matte morte témoignent de la présence passée d’un herbier de posidonie vaste et bien implanté.
La Ville de Marseille a entrepris dans les années 2000 le Projet RÉCIFS PRADO qui avait pour objectif d’augmenter et de diversifier les ressources marines des fonds meubles de la baie du Prado par l’immersion d’habitats écologiques sous-marins. Il s’agit à la fois d’une mesure compensatoire à la dégradation du milieu et d’un soutien à la pêche locale.
Ce sont 400 récifs de 6 types différents qui ont été immergés sur 200 hectares, entre le Frioul et la Corniche. Disposés sous la forme de village en triangle cela permet une circulation protégée pour les espèces qui se promènent de récifs en récifs. L’immersion des récifs s’est achevée au cours de l’année 2008.
Ce projet a été financé par l’Agence de l’eau RMC, l’Europe, la Région Sud et la Ville de Marseille.
Les récifs artificiels permettent :
- d’offrir des habitats
- de type parois : les surfaces offrent un espace lisse ou rugueux, vertical ou horizontal, propice à l’installation de la flore et de la faune fixée ainsi que la petite faune mobile ;
- de type cavités : elles accueillent plus particulièrement les invertébrés mobiles et les poissons ; - de favoriser les échanges biologiques tels que les transferts des oeufs et larves et les déplacements d’individus adultes. Ces échanges peuvent se faire au sein d’un même récif, entre les récifs et avec les espaces environnants (herbier de posidonie, fonds rocheux, fonds meubles, pleine eau) ;
- d’induire une production biologique qui s’exprime par l’augmentation de la diversité des espèces présentes (biodiversité), du nombre d’individus (abondance) et de la taille des individus (biomasse).
Les 6 types de récifs dans le temps
Des suivis scientifiques sont organisés régulièrement sur les récifs pour récolter les données et analyser l’évolution dans le temps de la colonisation des récifs.
Afin d’étudier les résultats après 10 ans d’immersion des récifs du Prado, des campagnes de suivi ont été réalisées entre 2019 et 2021. Ces résultats, très attendus par la communauté scientifique et le gestionnaire ont montré notamment que la biomasse d’espèces cibles de la pêche a sensiblement progressé, en particulier à partir de l’automne 2015 et en 2020.
De grandes sérioles Seriola dumerili ont été observées en abondance sur un enrochement au cours de l’été 2020 attestant de la présence saisonnière de grands poissons pélagiques prédateurs. Les poissons observés sur les récifs ont tendance à être plus gros, en particulier certaines espèces cibles de la pêche qui sont plutôt sédentaires et bénéficient de la protection du site.
Les macrocarnivores (rascasses, murène, serran), les piscivores (chapon, congre) et les omnivores qui mangent de tout (sar à museau pointu, canthare) ont nettement progressé entre 2009 et 2020/2021.
La biomasse d’espèces cibles de la pêche est multipliée par 2.6 depuis le début du suivi. Le congre (x7.6), le sar à museau pointu (x22.9), la mostelle (x18.1) et le chapon (x12.6) ont les biomasses qui ont le plus fortement augmenté depuis 2009.
Réglementation
Afin de protéger cette zone, la plongée, la pêche et le mouillage sont interdits.
- Arrêté du Préfet de la région PACA n°R93-2020-01-17-001 datant du 17 Janvier 2020
- Arrêté du Préfet Maritime n°35/2015 du 31 mars 2015
- Pour que la vie sous-marine se développe durablement, la pêche sous toutes ses formes, l'ancrage, l'apnée et la plongée sous-marine sont interdits jusqu'au 31 décembre 2024 dans la totalité de la zone ABCD signalée sur la carte.
Tout contrevenant à la réglementation en vigueur s'expose aux sanctions suivantes :
- Amende délictuelle de 22 500 €, confiscation du produit de l'infraction, de l'engin de pêche et du navire (article L945-4 alinéa 10 du code rural de la pêche maritime),
- six mois d'emprisonnement et amende de 15 000 € pour non respect des règlements de police de la Préfecture maritime (article L5242-2 du code des transports maritimes).
La Patrouille Maritime Municipale de la Direction de la Mer réalise des missions en mer chaque jour pour sensibiliser et faire connaître la réglementation auprès des plaisanciers, des pêcheurs professionnels ou de loisir. Plusieurs agents sont Gardes du littoral et sont assermentés, leur permettant de verbaliser sur les territoires du Conservatoire du littoral.
4 marques spéciales délimitent la zone des récifs
Grâce au soutien financier de l'Union Européenne, la Patrouille Maritime Municipale a obtenu, pour les 4 mois de haute saison en 2023, le renfort de 2 écogardes par la Garde Régionale Marine (GRM) dans le cadre du programme opérationnel du Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (FEAMPA) 2021-2027.
Une reconnaissance jusqu’à l’échelle internationale qui valorise l’action de la Ville de Marseille
En 2014, l’opération Récifs Prado a reçu le grand prix du Génie écologique par le Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie.
En 2018, nous célébrions les 10 ans de l’immersion des récifs. Pour célébrer cet anniversaire, la Ville de Marseille a proposé un programme ambitieux d'évènements permettant à tous de mieux comprendre ce projet et son évolution.
Ce programme s'est poursuivi en 2019 par une exposition photo itinérante dans divers lieux de Marseille et par la sensibilisation du grand public lors d’événements à Marseille. La possibilité de « plonger à sec » sur les récifs grâce à un casque de réalité virtuelle en était une illustration parfaite.
La Ville de Marseille a ouvert le Hublot, un espace de découverte de la biodiversité marine situé sur la plage Borély (revalorisation du poste de secours n° 7) qui présente notamment les récifs du Prado grâce à une grande exposition photo au sein de sa coursive, aux casques de réalité virtuelles et aux explications expertes des animateurs. Cet espace a reçu le mécénat de la Fondation Ponant.
Le Hublot, espace de découverte de la biodiversité marine situé sur la plage Borély
Parmi les divers outils de sensibilisation et d’éducation à l’environnement développés par la Ville de Marseille, une structure est particulièrement destinée au milieu marin : le Centre d'Initiation et de Découverte de la Mer (CIDMer). L’équipe d’éducateurs à l’environnement spécialisés propose différents types d’interventions sur la mer et le littoral. Les thématiques abordées concernent la biodiversité du littoral (faune, flore, écosystèmes), les Récifs artificiels du Prado, les îles et leurs patrimoines naturel et culturel, le Parc National des Calanques.
La Direction de la Mer se rend régulièrement sur des événements comme « la Fête du vent », « la Foire de Marseille » ou encore « le Festival Bleue » pour proposer au grand public une immersion dans les récifs, faire découvrir aux Marseillaises et aux Marseillais le patrimoine subaquatique de la baie.
En octobre 2019, le festival FIMBACTE a remis à la Ville de Marseille, pour son film "Récifs artificiels du Prado, 10 ans d’immersion", le "Trophée d'Or du Cadre de Vie" dans le secteur "audiovisuel / catégorie projets et réalisations".
Ce trophée récompense les réalisations issues de collectivités, entreprises ou organismes répartis sur l'ensemble du territoire national. Le film était en compétition avec 550 dossiers repérés.
Il a également remporté le Green Award d'Or dans la catégorie Biodiversité du format spot au Festival international de Deauville, le festival international du film responsable, qui sélectionne et récompense les meilleurs films publicitaires, institutionnels et documentaires portant sur la transition écologique et sociale.
En 2021 les récifs étaient au Congrès Mondial de la Nature, accueilli par la Ville de Marseille, aux côtés du Parc National des Calanques et de l’association Septentrion Environnement pour les Plongées Virtuelles Marseillaises, invitant sur 150m² d’espace immersif pendant 9 jours le visiteur à découvrir la biodiversité marine marseillaise à 3 profondeurs différentes tout en restant au sec grâce 7 expériences de réalité virtuelle.
Pour cette occasion un nouveau film en réalité virtuelle a été réalisé ayant reçu le mécénat de la Fondation Ponant, et remportant le Trophée Argent dans la catégorie Préservation de la Biodiversité aux Deauville Green Awards 2022.
Vidéo réalisée en juin 2021 par Exmagina
Un projet d’une franche réussite qui continue de faire parler de lui à travers le monde. C’est la plus grande zone de récifs artificiels d’Europe.