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Une nouvelle école inaugurée au nom de Denise Toros-Marter, survivante et militante

 

Le mardi 17 septembre 2024 a été inauguré le nouveau groupe scolaire Denise Toros-Marter, anciennement nommé Vallon Régny. Par cette décision, la Ville de Marseille rend hommage à cette femme rescapée des camps de la mort, et depuis militante pour la mémoire des déportés.

 

 

Marseille honore sa mémoire

Après avoir renommé une école au nom du tirailleur algérien Ahmed Litim en 2022, la Ville honore à nouveau la mémoire plurielle de Marseille. Ainsi le Maire a rendu hommage à Denise Toros-Marter, ancienne déportée à Auschwitz-Birkenau, qui s'engage depuis pour la mémoire des victimes de la Shoah, en particulier auprès des jeunes. L'attribution de son nom à la nouvelle école maternelle et élémentaire du Vallon-Régny, dans le 9e arrondissement, a été votée en sa présence lors du Conseil municipal du 19 avril 2024.

 

 

 

Commandeur de la Légion d'honneur depuis le 4 septembre 2016, puis Grand officier depuis le 29 décembre 2023, Denise Toros-Marter est également présidente de l'Amicale des Déportés d'Auschwitz Marseille-Provence et co-présidente du Site-Mémorial du Camp des Milles. Le 19 mars 2024 a été inaugurée en sa présence une plaque dans l’entrée du bâtiment de la Maison Marseillaise du Judaïsme, sur laquelle est gravé son Testament d’Auschwitz, écrit en 1985. Elle a reçu cette distinction à l'occasion des commémorations des 80 ans de la Libération de Marseille.

 

« Nous vous léguons notre Mémoire. À charge pour vous de la transmettre de génération en génération, afin que nul n’oublie, afin que nul ne doute, afin que nul ne nie ! »

Testament d'Auschwitz de Denise Toros-Marter, extraits

 

 

Enseigner dans les meilleures conditions

Le nom d'une militante auprès des jeunes est ainsi donné à une école à la hauteur des enjeux éducatifs d'aujourd'hui. Dans ce cadre, le nouveau groupe scolaire Denise Toros-Marter propose aux élèves un environnement favorable au bien-être et à l'apprentissage.

17 salles de classe, 2 cours de récréation, un centre de documentation, une salle polyvalente, des locaux naturellement tempérés et un bâtiment durable accueillent donc désormais les petites Marseillaises et les petits Marseillais grâce au Plan Écoles, qui verra la livraison de 18 nouvelles écoles pendant l'année 2024-2025.

 

 

 

Galerie photos

© Anthony Carayol - Ville de Marseille

 

 

Portrait photographique de Madame Denise Toros-Marter

 

 

Rencontre avec Denise Toros-Marter

Le 13 avril 1944, alors qu’elle n’a que 16 ans, Denise Toros-Marter est raflée avec sa famille à Marseille pour être envoyée vers les camps de la mort. À 96 ans, elle témoigne encore de la mémoire des déportés pour ne pas oublier cette période de notre histoire.

 

« Si jamais tu rentres : raconte ! »

Lorsqu’elle nous reçoit dans le modeste appartement qu’elle occupe, Denise Toros-Marter s’apprête à répondre aux mêmes questions qu’elle entend depuis des années, à partager une histoire qui lui demande à chaque fois de replonger dans des souvenirs douloureux. Mais elle le fait avec une énergie débordante. Pourquoi ? « C’est un devoir que j’avais envers mes parents et mes camarades. Lorsque celles-ci sont montées dans le camion qui les a menées aux chambres à gaz, elles m’ont crié : si jamais tu rentres, raconte! », répond celle qui a survécu à l’horreur des camps.

 

 

 

L'enfer des camps

Née le 16 avril 1928 à Marseille, Denise Toros-Marter est issue d’une famille juive alsacienne installée dans la cité phocéenne depuis quatre générations. Son enfance, elle la passe rue de l’Académie, auprès de ses parents, commerçants du centre-ville, et de ses deux frères, André et René. Mais tout bascule le 13 avril 1944. La famille de Denise Toros-Marter est repérée par la Gestapo après une dénonciation qui a rapporté à son auteur… 50 francs par personne. La lycéenne est alors emmenée de force vers la prison des Baumettes, avec sa mère, son père, sa grand-mère et son frère André. René, lui, réussit à échapper à l’arrestation et s’engage dans la Résistance.

Le 20 mai 1944, elle est embarquée dans le convoi numéro 74 en direction d’Auschwitz-Birkenau. Elle est alors séparée de son frère et de son père. Sa mère et sa grand-mère sont tuées dès l’arrivée. Denise Toros-Marter reste emprisonnée dans le camp de concentration. « J’ai été libérée le 27 janvier 1945, j’avais les pieds gelés, avec une gangrène et les orteils qui sont tombés tout seuls », se remémore la rescapée. Lorsque les Russes libèrent le camp, c’est la Croix-Rouge polonaise qui prend le relais pour soigner les blessés. Denise se souvient que, petit à petit, la vie refaisait surface. « On avait eu un petit spectacle, avec du violon, des histoires Yiddish. Mais le Yiddish, j’y comprenais rien ! Moi c’était le provençal que je pouvais absorber. Je suis issue d’une génération de Marseillais », sourit-elle.

 

Le devoir de mémoire

À son retour des camps, sa vie de lycéenne est vite oubliée. « On m’a dit que je pouvais passer le bac. Des amis proposaient de m’aider à mon retour, mais je n’avais plus la tête dedans et il fallait gagner sa vie » lâche celle qui se dit moyenne en maths. Elle se rêvait traductrice, mais devient tour à tour secrétaire, comptable et s’occupe du service après-vente d’une entreprise d'électroménager.

De son passé de déportée, elle parle peu. Mais, en 1986, elle décide de s’engager et crée l’Amicale des Déportés d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie, qu’elle préside encore aujourd’hui, avec ceux qu’elle appelle toujours « mes camarades », et qui sont d’anciens déportés.

Elle en fera un livre : J’avais 16 ans à Pitchipoï. En yiddish, Pitchipoï signifie littéralement « trou perdu » et désigne désormais la Shoah et les camps d’extermination. Denise Toros-Marter se met à intervenir dans les écoles, dans des conférences et à raconter son histoire. L’école comme lieu de transmission, c’est aussi la vision du Maire de Marseille Benoît Payan, qui a voulu renommer l'école du Vallon Régny à son nom. « Un honneur pour moi », a conclu celle qui fait désormais pleinement partie de l'histoire et de la mémoire de la ville.

 

Photos : École Toros-Marter © SOLEAM - Portrait de Madame Denise Toros-Marter © Anthony Carayol - Ville de Marseille